Il aurait eu 10 ans cette année

Publié le par Cathy

Ça s’est passé en novembre 1998 … J’étais encore avec mon ex-mari, et j’étais enceinte …  J’avais mis longtemps avant de sentir la fibre maternelle m’envahir et j’avais finalement ressenti un urgent besoin vital de mettre au monde un bébé, mon bébé, de le serrer dans mes bras, de respirer son odeur, de le protéger et de l’accompagner jusqu’à l’âge où il se détacherait de moi pour vivre sa propre vie …

Je l’ai porté 8 semaines.  8 semaines durant lesquelles ce petit être pas plus gros qu’une tête d’épingle s’est immiscé dans nos vies pour y prendre très vite une place énorme. Une petite tête d’épingle pour laquelle nous faisions des projets, de laquelle nous parlions tout le temps, pour laquelle nous avions déjà peur …

Mon premier rendez-vous chez la gynécologue, le 24 novembre 1998 … Je m’en souviendrai toute ma vie. En quittant la maison, j’ai dit à mon mari : « nous avons rendez-vous avec notre bébé ». Nous allions entendre battre son cœur, c’était un moment de grande émotion, je savais que j’allais pleurer … Effectivement, j’ai pleuré … La gynécologue m’a d’abord dit : « vous êtes sûre d’être enceinte Madame ? ». Moment de stupeur ! Le test de grossesse était positif, la prise de sang également, je ressentais tous les symptômes ! Ensuite, le médecin m’a dit qu’il y avait en effet une petite poche, mais vide. Elle nous a expliqué que le cœur du fœtus ne s’était jamais mis à battre et que le petit être ne vivait pas, qu’il se résorbait déjà.  Il fallait m’opérer avant que je ne perdre la « poche » n’importe où, n’importe quand. En sortant du cabinet, je me suis effondrée …

Deux jours plus tard, le 26 novembre, j’entrais à l’hôpital pour un curetage. Expliquez-moi … Pourquoi les curetages se font-ils au service maternité ? Pourquoi nous donne-t-on une chambre avec un berceau ? Pourquoi certaines infirmières m’ont-elles regardée comme si je venais pour me débarrasser de mon enfant ? Pourquoi nous endort-on seulement après avoir préparer la salle d’opération, avec cet immense plastique par terre, devant mes jambes écartées comme pour un accouchement. Quoi, j’allais perdre tant de sang que ça ??  L’épreuve physique et morale n’était-elle pas encore assez difficile à supporter ? Voulait-on me punir de ne pas avoir réussi à maintenir mon bébé en vie ? Parce que ces gens s’imaginaient-ils que je ne m’en voulais pas suffisamment ?

Le soir même, en rentrant à la maison, je ne sais absolument plus pourquoi mais mon mari et moi nous nous sommes disputés méchamment. Je venais de me faire opérer, mon moral était au plus bas, et j’ai passé une nuit blanche couchée dans le divan inconfortable, pendant que mon mari profitait du grand lit et dormait à son aise, l’esprit en paix ...

J’ai su par la suite que de très nombreux couples subissent la même chose, que mon bébé n’aurait sans doute pas été viable et que la nature a bien fait les choses en m’en débarrassant …  Est-ce vraiment une consolation ?

Un an après, mon mari et moi nous nous sommes séparés puis avons divorcés. Ce n’était pas du tout à cause de la fausse-couche, non, mais peut-être cela y a-t-il contribué quand même ?  Depuis, je me suis faite une raison. Je me persuade que c’était mieux ainsi, que nous nous serions peut-être sentis obligés de rester ensemble pour le bébé, tout en étant chacun malheureux. Ça n’aurait pas été un environnement sain pour l’enfant.  Je me dis que si nous avions divorcés quand même, jamais je n’aurais pu supporter de laisser mon enfant aller chez ce père alcoolique un w-e sur deux …  Qu’aurait été ma vie ? Notre vie ?

 

Ensuite, j’ai vécu un an et demi seule. J’avais 31 ans et je redoutais de ne jamais connaître le bonheur d’être maman …  Et puis l’homme de ma vie est enfin apparu : Diego ! Très vite nous nous sommes mis à chercher une maison à acheter. Nous l’avons trouvée au bout de 2 ans et demi. Le temps d’y faire quelques travaux et notre vie de couple a pu enfin commencer. J’avais 34 ans, l’horloge biologique sonnait de plus en plus fort, il était temps de fonder la famille dont nous rêvions tous deux …

 

La nature est bien faite … Vraiment ?  Diego et moi nous n’aurons jamais d’enfants. Les examens l’ont prouvé, les années aussi … J’ai maintenant 40 ans et tout espoir s’est envolé.

 

Bizarrement, depuis que je suis petite, je ne me suis jamais « vue » maman. J’ai toujours eu cette curieuse impression que je n’aurais pas d’enfant. J’avoue même avoir été étonnée lorsque le test de grossesse s’est avéré positif, et pas si surprise que ça de savoir que le bébé ne vivait pas … La déception et la peine ne furent pas allégées pour autant.

 

On dit souvent qu’un livre est le bébé de l’auteur. J’ai donc deux bébés …  et j’aimerais bien en mettre un troisième en route …

On dit aussi qu’écrire un livre est un exutoire.  Ce n’est sans doute pas un hasard si j’ai commencé à écrire mon premier roman juste avant de passer les tests de fertilité …  Besoin de me concentrer sur autre chose. Et semblant de rien, ça m’a beaucoup aidé à passer le cap.

 

Je n’ai pas écrit tout ceci pour que vous vous apitoyiez sur mon sort, loin de là ! Je voulais juste partager avec vous une tranche de vie un peu triste …

Publié dans SOUVENIRS

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E
<br /> <br /> J'espère que ça t'a fait du bien de poser ce texte sur papier, ou plutôt sur clavier...<br /> En tout cas moi je suis ravie de tes 2 bébés <br /> Je relis en ce moment "le calme après la tempête" et j'avais déjà oublié à quel point ce bouquin est passionnant ! C'est une deuxième lecture alors je connais déjà la fin mais pourtant,<br /> je le (re)dévore avec plaisir et me suis de nouveau laissé embarquer dans l'intensité de cette histoire ! Merci à toi !<br /> Et pour changer un peu : à quand le troisième ??  hi hi hi<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> Wouaw, c'est génial d'encore recevoir des compliments 3 ans après la naissance de mon premier bébé ! Surtout qu'il s'agit d'une relecture, c'est encore plus<br /> chouette de savoir qu'on a envie de le relire ! Merci !! <br /> Le troisième, j'y pense, j'y pense... ! <br /> <br /> <br />
P
<br /> Une pensée très forte pour toi. Da fait fu bien de partager, et sache que tu as probablement beaucoup d'amis qui remplaceront les enfants que tu n'as pas eu. On sera toujours là pour toi! Bisous<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Ca me touche beaucoup Patricia. Je sais que j'ai beaucoup de chance d'être si bien entourée.<br /> Je vous adore tous !<br /> <br /> <br />
E
<br /> Tous ces bébés que nous avons presque eus, et dont ce n'était pas le destin. Beaucoup d'histoires plus ou moins semblables, en tout cas par le résultat: non, finalement, il n'est pas pour nous, ce<br /> bébé.<br /> <br /> On y pense souvent, à ce bébé pas né - ou qui n'a pas vécu. Il reste présent, parfois muet et parfois il crie. C'est notre vie.<br /> <br /> Ma mère a porté à terme deux enfants qui sont morts-nés. Elle a gardé leur layette pendant des années au grenier. Et a fini par me les donner pour mon Jean-Pierre, mon bébé de celluloïde. Je sais<br /> que ça lui faisait un peu de peine, je me souviens d'une hésitation en elle, une honte à partager ma joie parce que j'étais si fière de la belle allure de Jean-Pierre.<br /> <br /> Courage, et mets donc ton troisième en route!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> J'ai déjà entendu pas mal de personnes autour de moi qui ont perdu leurs bébés à quelques jours de la naissance; pour certains les faire-parts de naissance étaient<br /> déjà imprimés ... il a fallu les remplacer par des faire-parts de décès ... C'est horrible, inhumain à vivre !<br /> J'ai même une collègue qui, après avoir perdu son bébé à la naissance, a été obligée d'aller jusqu'au bout de son repos de maternité alors qu'elle mourrait d'envie de reprendre le travail pour<br /> pouvoir se changer les idée !  Que les lois sont mal faites !<br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> C'est une épreuve très difficile !  Je suis aussi passée par là et cela nous a marqué à jamais... Et même si je suis l'heureuse maman de 3 demoiselles, nous pensons souvent à ce bébé que<br /> nous avons vu bouger dans mon ventre, dont nous avons entendu le coeur battre mais qui n'a jamais vu le jour !  Gros bisous à toi.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> Oui Christelle, je me doute bien qu'un bébé perdu n'est jamais remplacé par un autre ... Tu as été très courageuse, et je sais que tu as bravé d'autres tempêtes. <br /> Tu mérites bien d'être heureuse avec ta famille maintenant.<br /> Bisous.<br /> <br /> <br />
C
<br /> AH, CATHY ! QUOI TE DIRE ? Je PENSE QUE NOUS DEVONS TOUS VIVRE AU JOUR LE JOUR...SE RETOURNER SUR UN HIER TROP GRIS PERTURBE L'AUJOURD'HUI ET OBSCURCIT LES<br /> LENDEMAINS...LE PRINCIPAL EST DE TE SENTIR BIEN , MAINTENANT...ET PUIS, DES ENFANTS, IL Y EN A PARTOUT AUTOUR DE NOUS, NON??  carine-laure desguin<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Disons que c'est un rêve qui s'est bien cassé la gueule ... Il a fallu faire notre deuil. La vie continue, et des projets on en a d'autres ... Mais ceux-ci ne<br /> remplaceront jamais un enfant, NOTRE enfant. On nous a bien sûr parlé d'adoption et de manipulations génétiques, mais après avoir pris de très nombreux renseignements un peu partout, nous avons<br /> conclu que ce n'était pas pour nous ...<br /> <br /> <br />