Foutue timidité (2)
Vous êtes nombreux à avoir réagi par mail, oralement ou via les commentaires, à mon précédent article sur la timidité. Et quelque chose, dans ce que vous m’avez dit, m’a interpellée… Apparemment, mon malaise à parler devant un groupe ne se voit pas ! Tant mieux, me direz-vous ! Je répondrais : oui et non… Je m’explique :
Lorsque je suis entrée au Forem pour faire ma formation en secrétariat, j’avais 23 ans et n’étais pas encore du tout sortie de cette foutue timidité. Le premier jour, on a rassemblé mon groupe autour d’une table. Nous étions une bonne vingtaine. On nous a expliqué les tenants et aboutissants de cette formation et ensuite, nous pouvions poser des questions. Personne ne se lançait… J’ai pris mon courage à deux mains et, tremblante de peur, j’ai posé une question. Je me souviens m’être demandée, juste après, comment j’avais osé ! Quelques mois plus tard, alors que mon groupe était devenu une bonne bande de copains très soudés qui rigolaient énormément ensemble, nous avons reparlé de cette première journée et de l’impression que nous avions faite aux autres. Eh bien figurez-vous que mon intervention, qui avait été une véritable épreuve pour moi, avait été mal perçue par les autres ! J’avais failli être cataloguée de « grande gu… » parce que j'avais pris la parole devant tout le monde ! Evidemment, il n’a pas fallu longtemps au groupe pour comprendre que je n’étais pas du tout comme ça, mais ça m’a fait réfléchir. Et aujourd’hui, savoir que la plupart des gens, même ceux qui me connaissent bien, ne perçoivent pas mon malaise à parler devant un groupe, me fait un peu peur. Ça pourrait être sympa que l’on pense que je suis super à l’aise, et pourtant je ne le souhaite pas. J’ai l’impression qu’en remarquant mon trac, les gens me pardonneront plus facilement si je dis une bêtise, bégaie ou oubli des mots, ce qui m’arrive malheureusement fréquemment…
Aah, si vous aviez assisté aux repas familiaux de mon enfance, avec la petite Cathy assise bien sage sur sa chaise, se faisant toute petite et ne pipant mot. Comme dans toutes les réunions de famille, il y avait toujours un moment où la conversation s’arrêtait et un petit blanc s’installait. Et là, ça ne ratait jamais, il y avait toujours un petit malin pour lancer haut et fort : « Et alors, Cathy, on ne t’entend pas ! », ou encore « Cathy, arrête de parler, on n’entend que toi ! ». Toutes les têtes se tournaient vers moi en riant, et la petite Cathy se tassait encore un peu plus sur sa chaise, devenant cramoisie et priant pour être invisible…
Je vais vous raconter une anecdote bien pire, dont je ne suis pourtant pas fière… Quand j’avais une dizaine d’année, mes parents ont dû s’absenter à Bruxelles et allaient revenir tard. Ce n’était pas du tout dans leurs habitudes, mais cette fois, ils ont demandé à nos gentils voisins pour que je dorme chez eux. On s’entendait très bien et ils avaient 2 garçons de mon âge avec qui je jouais tous les jours. Et pourtant… ce fut un abominable calvaire pour moi. Il a suffit qu’un des garçons me fasse croire que son frère et lui m’avaient préparé plein de sales blagues (c’était totalement faux) pour que j’ai envie de m’enfuir. J’aurais tout donné pour aller dormir chez ma copine, à deux rues de là. D’ailleurs notre voisin a dû aller m’y rechercher ! Nous avons soupé et la famille a fait tout ce qu’elle pouvait pour me mettre à l’aise, mais rien n’y a fait. Ensuite, ils ont installé un jeu de société et m’ont proposé de jouer. Je n’ai pas voulu. Vous savez pourquoi ? Parce que je ne connaissais pas ce jeu et rien qu’à penser qu’ils allaient devoir m’expliquer les règles et que je risquais de me tromper, ça me foutait la trouille ! Et puis vous ne vous rendez pas compte ? Jouer chacun à son tour, ça veut dire qu’à un moment donné, 4 paires d’yeux allaient me regarder. L’horreur ! Bref, j’ai préféré lire une bande dessinée dans le divan pendant que la famille jouait à 4. Quand j’y repense, j’ai honte, mais j’ai honte ! Mais… ce n’est pas fini, le pire arrive… Quand Cathy a eu terminé de lire sa BD, elle s’est rendue compte qu’elle allait devoir se lever, traverser le salon et en prendre une autre. Paralysée, la Cathy ! Elle est restée scotchée à la dernière page durant un temps indéfinissable ! Une ½ heure ? Une heure ? Sais plus… Mais alors que je sentais qu’on allait nous envoyer au lit, j’ai entendu une voiture et ai presque crié : « les voilà ! ». Mes voisins ont dit que ce n’était pas possible, que mes parents n’allaient pas rentrer si tôt, mais si, c’était bien eux ! J’ai pu revenir chez moi et me glisser dans mon lit chéri. J’ai rarement été si contente de voir mes parents .
Par cet exemple (un parmi tant d’autres), je voulais vous faire comprendre à quel point ma timidité était maladive. Je ne pourrai jamais l’oublier. Aujourd’hui, quand je suis dans une salle d’attente bondée et que je me lève pour aller chercher une revue sur la table centrale, je souris intérieurement. Aujourd’hui, quand, de ma propre initiative, j’entame la conversation avec un(e) inconnu(e) dans la rue, un magasin ou une salle d’attente, je me sens bien. Aujourd’hui, quand j’interviens durant une réunion et que tous les yeux se tournent d’un coup vers moi, je garde confiance en moi. Aujourd’hui, quand je parle devant une assemblée ou que je guide un groupe, même si mes boyaux se tordent et ma voix tremble légèrement, je le fais, et j’en suis fière.
Voyager en train toute seule, passer une journée à Bruxelles toute seule, m’obliger à entrer dans un petit magasin et demander quelque chose au vendeur, participer à des formations, partir travailler 3 semaines en Irlande (le meilleur défi de tous !), et puis les nombreux contacts via les boulots que j’ai fait… Ce sont tous ces petits défis que je me suis lancée qui m’ont permis d’acquérir une meilleure confiance en moi. Ce n’est pas encore à 100%, bien sûr, et c’est mieux comme ça car je ne pense pas qu’être trop sûr de soi est une bonne chose.
Petit à petit, j’ai fini par sortir de cette coquille qui m’emprisonnait et m’empoisonnait. Aujourd’hui, plus personne ne me dit « et alors, on ne t’entend pas ? », je suis devenue une vraie pipelette ! Il faut bien rattraper toutes ces années où je me suis tue